Emmanuel Macron a annoncé mardi 16 janvier vouloir rendre obligatoire le Service National Universel. Pourtant, en 2018, le rapport d’une mission d’information parlementaire sur le sujet affirmait qu’une telle mesure serait inconstitutionnelle et contraire aux conventions internationales. A l’époque, déjà, ce rapport parlementaire évoquait également le caractère inconstitutionnel de la suppression de l’instruction en famille, en considérant qu’il était une prérogative de l’autorité parentale.
Effet d’annonce présidentiel
Avec un SNU obligatoire, le Président prétend vouloir assurer, sur le papier, un « réarmement civique » de la jeunesse. Cependant, comme pour l’annonce de l’interdiction de l’instruction en famille (sauf pour les impératifs de santé) au nom d’une soi-disant efficacité de la lutte contre le radicalisme et le séparatisme, cette annonce fait fi de la Constitution et des conventions internationales. Est-ce devenu, pour le gouvernement, une habitude ?
Le rapport de la mission d’information parlementaire pointe du doigt les risques juridiques d’un SNU obligatoire et qui se déroulerait en internat : « Si l’option de l’internat devait être privilégiée, elle poserait sans nul doute question dans la mesure où le public visé est composé de mineurs. En effet, la Constitution n’autorise le législateur à imposer des sujétions, du fait de la Défense nationale, qu’aux citoyens, ce qui exclut les mineurs qui sont placés sous l’autorité parentale. Rappelons à ce titre qu’en France, ce n’est pas la scolarisation qui est obligatoire mais bien l’instruction, garantissant à chacun le droit d’être instruit à domicile par exemple. »
Ce qui nous amène à ce commentaire : il est très intéressant que les parlementaires aient rappelé dès 2018 la circonstance que seule l’instruction était obligatoire pour confirmer l’inconstitutionnalité du SNU.
Rappelons qu’à l’heure actuelle, la nouvelle loi dite séparatisme place l’instruction en famille sous un régime où ce droit pourtant au départ constitutionnel et protégé par de nombreuses conventions internationales n’est plus garanti.
Les parents sont les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants, ce sont eux les dépositaires de l’autorité parentale, et non l’Etat, qui ne peut a priori la transférer à ses services. Rendre obligatoire le SNU, particulièrement en internat, est donc une nouvelle entorse faite à ce droit humain inaliénable des parents de décider pour leurs enfants qui ne fait que s’appuyer sur la violation constitutionnelle que représente la suppression de l’instruction en famille.
Le rapport parlementaire poursuit : « Tout dispositif prévoyant un internat des mineurs pourrait donc se heurter au principe constitutionnel de libre circulation et se voir immédiatement censuré par le Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence en la matière est constante. Dans un tel cas, il faudrait alors se limiter à un empilement de journées, ce qui ne paraît pas pertinent à vos rapporteures. »
Et d’ajouter : « Au regard de sa nature et de la formation délivrée, un tel service ne pourrait s’adresser qu’à des majeurs, et en particulier aux jeunes majeurs âgés de 18 à 21 ans ou de 18 à 25 ans. Or, le droit français et le droit européen leur garantissent la protection des libertés fondamentales. »
Une atteinte au droit européen
En conclusion, selon ce rapport, la Cour européenne des droits de l’Homme pourrait invalider la mesure d’un SNU obligatoire : « Il y a donc là une incertitude juridique à laquelle il convient d’accorder une vigilance extrême car l’on ne pourrait bâtir un tel dispositif sans prendre davantage d’assurance sur l’attitude de la Cour européenne des droits de l’homme. »
Le SNU n’est justifié, ni par l’impératif d’assurer la défense nationale, ni par l’exigence de protéger le droit à l’instruction des enfants. Le Syndicat national de l’enseignement secondaire (Snes-FSU) considère d’ailleurs le SNU comme « l’expression d’une conception de l’éducation à la citoyenneté qui fait de l’organisation militaire un modèle à suivre », « un dispositif de domestication » qui représente « une menace contre l’enseignement moral et civique ». Espérons que des voix se lèveront pour dénoncer cette nouvelle manifestation de l’autoritarisme de l’Etat qui fait fi de la liberté éducative et la liberté de conscience des parents et des jeunes eux mêmes.
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