A l’heure où le projet de loi principes républicains – anciennement séparatisme – s’apprête à être voté par les députés de la majorité en dernière lecture à l’Assemblée nationale, incluant son article 21 bancal sur l’instruction en famille, de nombreux parlementaires, députés et sénateurs saisissent déjà le Conseil constitutionnel. Les associations nationales de l’instruction en famille leur emboîtent le pas par des contributions extérieures déposées dans les tous prochains jours.
Cette liberté fondamentale de l’école à la maison est jusqu’ici conservée depuis 140 ans avec les lois Ferry qui la sanctuarisent, rendant l’instruction obligatoire, et non l’école. A ce jour près de 62.000 enfants – et peut-être même 70.000 pratiquent l’instruction en famille, par choix pédagogique (Montessori, etc.), par souci d’un meilleur respect du rythme de l’enfant, en raison de profils atypiques, de difficultés d’apprentissages ou de surdouance. Pourtant, le 2 octobre 2020, dans son discours des Mureaux, le Président de la République a décidé de l’interdire en la limitant aux seuls impératifs de santé. Le principe même de l’école libre est remis en cause, un « changement de paradigme » souhaité par le chef de l’Etat lui-même. Dans ce nouveau système, la liberté deviendrait alors l’exception.
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Pas de lien avec la radicalisation
Cette mesure « phare » était introduite par le Président au sein d’autres mesures concernant la lutte contre le terrorisme, bien qu’aucun élément tangible ne vienne la fonder : à ce jour, aucun chiffre n’a pu être produit par le gouvernement qui aurait étayé un quelconque lien entre l’instruction en famille et la radicalisation. Même une député LREM (Marie-France Brunet) va le reconnaître : « Malgré nos nombreuses demandes auprès du gouvernement, nous n’avons toujours aucune donnée permettant d’établir un lien entre l’instruction à domicile et le séparatisme : en réalité, ce lien n’existe pas. » La cheffe du renseignement territorial, Lucille Rolland, auditionnée en commission spéciale de l’Assemblée nationale sur le sujet, apportera elle aussi un démenti : « Il est extrêmement compliqué, pour moi, de faire un lien direct entre l’augmentation du repli communautaire et l’augmentation de l’instruction à domicile. »
Le succès planétaire de l’instruction en famille
Depuis plusieurs années, l’école à la maison connaît une croissance mondiale à travers le monde. Cette mesure s’inscrit à contre-courant d’un mouvement sociétal majeur des dernières décennies, selon Patricia Lines, chercheuse pour le département américain de l’Education : « L’essor de l’instruction en famille est l’une des tendances sociales les plus importantes du dernier demi-siècle ». L’école à la maison a largement fait ses preuves en matière d’excellence pédagogique et éducative, mais aussi de socialisation, selon de nombreux autres chercheurs à travers le monde. Elle rejoint une tendance lourde vers l’enseignement hybride. Cependant, avec cet article 21, la France rejoindrait les pays les plus restrictifs en la matière : Chine, Cuba, Arabie Saoudite et Pakistan. Ainsi le parti La République En Marche serait en la matière un parti de l’anti-progrès.
Une dérive liberticide
La Défenseur des Droits, Claire Hédon, avait également affirmé en commission spéciale qu’ « il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre une école républicaine et la liberté laissée aux parents de choisir des modalités pratiques de l’instruction de leur enfant ». On ne peut reléguer une liberté fondamentale au rang d’une dérogation administrative : elle ne peut être soumise à un régime d’autorisation, surtout de la part d’instances qui seraient juges et parties : les académies. Soulignons que ces dernières ne réalisent que 70 % des contrôles du socle commun des connaissances sont réalisées (et 50 % des mairies font leurs contrôles). Pourquoi ne pas les réaliser entièrement avant de passer à un tel régime ? Comme l’a souligne le sénateur Max Brisson sur Twitter le 21 juillet, il s’agit d’un « dispositif d’interdiction générale de l’instruction à domicile. » Cette mesure est donc la porte grande ouverte à l’arbitraire, ce qui occasionnera de très nombreux recours contentieux de la part des parents : les associations nationales de l’instruction en famille se mobilisent déjà avec leurs avocats pour y faire face dès la rentrée prochaine.
De nombreuses réserves sur la constitutionnalité d’une telle disposition
Le rapport secret du Conseil d’Etat, initialement voté au sein de la section de l’administration avant un mystérieux revirement, concluait à l’inconstitutionnalité de la mesure : « Il n’est pas établi, en particulier, que les motifs des parents relèveraient de manière significative d’une volonté de « séparatisme social » ou d’une contestation des valeurs de la République. Dans ces conditions, le passage d’un régime de liberté encadrée et contrôlée à un régime d’interdiction ne paraît pas suffisamment justifié et proportionné. Le Conseil d’État, par suite, écarte du projet les dispositions relatives à l’instruction au sein de la famille ».
A ce jour, le député UDI Grégory Labille (photo) s’est mobilisé de longue date pour réunir plus de 60 parlementaires pour saisir le Conseil Constitutionnel sur l’article 21. Le groupe des députés Les Républicains à l’Assemblée, mais aussi des sénateurs Les Républicains au Sénat, ont annoncé lui emboiter le pas. Du côté des associations nationales de l’instruction en famille – c’est le cas de notre association Liberté éducation – elles travaillent depuis de longs mois au dépôt de contributions extérieures qui démontrent, sous la plume d’avocats spécialistes en droit constitutionnel, qu’une telle mesure va à l’encontre de nos libertés fondamentales.
Nous ne lâcherons rien pour conserver cette liberté, pour nos enfants !