Publication des rapports DGESCO sur l’instruction en famille sur les années 2019-2020 et 2021-2022.
Les derniers rapports du ministère de l’Education nationale sur l’instruction en famille ont beau être plus discrets, avec trois pages en moins que les précédents, ils n’en sont pas moins éloquents : les contrôles académiques sont favorables à plus de 90% dès les premiers examens, et presque 100% au second !
Mais aucun mot, comme toujours, qui viendrait étayer la thèse d’un début de séparatisme ou de radicalisme. Cette impertinente réussite de 90% n’empêche pas le ministère de l’Education nationale de chercher à mettre un terme, quoiqu’il en coûte, à cette liberté fondamentale des parents, pourtant les premiers éducateurs de leurs enfants, signe inquiétant d’une emprise grandissante de l’Etat sur la jeunesse.
Rappelons que les rapports DGESCO 2018-2019 sur l’école à la maison avaient été volontairement gardés secrets par le ministère pendant les débats législatifs et jusqu’à la promulgation de la loi en août 2021, en raison de leur absence de démonstration d’un quelconque séparatisme ou radicalisme, comme le confirment aussi les chercheurs : seul 0,09% alors des enfants posaient problème, et non pour ces raisons.
Pourquoi avoir menti sur la pseudo-menace que l’école à la maison ferait peser sur la République, si ce n’est ne pas supporter le très insolent succès de cette alternative pédagogique ?
Quelle mouche avait donc piqué le Président, le 2 octobre 2020, dans son discours aux Mureaux, d’annoncer son interdiction pure et simple, sauf pour les enfants ne pouvant se déplacer à l’école pour raison de santé ?
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- Lire aussi : Radicalisme et école à la maison, un faux problème ?
Est-ce vouloir supprimer ce qui apparaît comme un discrédit insupportable de l’Education nationale, dont le bilan est toujours plus désastreux ?
Que disent les chiffres ?
En 2021-2021, suite au confinement, la pratique de l’instruction en famille a augmenté de 52%, alors qu’elle suivait déjà une augmentation constante depuis plus de 15 ans, comme dans bien d’autres pays.
En 2022-2023, suite à la nouvelle loi séparatisme pour le respect des principes républicains, très restrictive, l’instruction en famille a chuté de 30% :
En 2019-2020, 48.008 enfants étaient en école à la maison, et 72.369 en 2021-2022. En France, comme dans le reste du monde, le nombre d’enfants instruits en famille était en croissance constante chaque année mais reste toutefois très minoritaire (0,5% des jeunes en âge d’être scolarisés).
Une pratique qui reste majoritairement de courte durée : en général, 50% des enfants sont instruits en famille une année ou moins et 2/3 ne le sont plus au bout de 2 ans (1), ce qui répond ainsi à des besoins spécifiques des enfants apparus en cours d’année, parfois vitaux, comme par exemple dans le cas d’un harcèlement scolaire, le temps qu’ils reprennent pied. Mais avec la nouvelle loi, cette issue de secours n’est plus possible aujourd’hui, les demandes d’autorisation ne pouvant être faites que pour l’année suivante, dans un créneau très restreint (du 1er mars au 31 mai).
En revanche, dans ces nouveaux rapports, le ministère fait l’impasse sur les raisons et les motivations des parents de choisir l’instruction en famille, contrairement aux copies rendues les années précédentes. Sachant que les deux motivations principales sont depuis plusieurs années le respect du rythme de l’enfant et le choix d’une pédagogie alternative. Jusqu’à la rentrée 2022, les familles n’avaient pas l’obligation de mentionner les raisons de leur choix au cours de l’inspection pédagogique (elles le doivent pour les contrôles réalisés par la mairie).
Le rapport de 2019-2020 permet cependant de constater le nombre d’enfants concernés par les motifs prévus dans le questionnaire de l’administration :
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Pour les familles inscrites au CNED réglementé (gratuit mais sur autorisation du ministère) :
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60,5% itinérance
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26,9% soins médicaux en famille
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6,8% activités artistiques ou sportives intensives
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1,9% handicap
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0,8% éloignement géographique d’un établissement scolaire
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Pour les familles hors CNED réglementé dont les raisons invoquées sont prévues par l’administration (20,8%) on trouve notamment :
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5,9% inadaptation au système scolaire
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2,9% problèmes de santé
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2,1% itinérance des parents en France
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1,8% phobie scolaire.
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Le motif religieux ne représente que 0,6%.
En école à la maison une égalité fille/garçons remarquable, mais qui n’est pas encouragée
L’égalité filles/garçons reste remarquable, au même niveau de pratique chez les deux sexes : pas de discrimination de ce côté-là ! D’un point de vue économique, rappelons qu’un écolier coûte 7000 euros par an à l’Etat : la mise au pas forcée des 72.000 enfants instruits en familles, renvoyés sur les bancs de l’école, coûtera donc 1 demi-milliard aux contribuables ! Notons qu’en 2021/22, 8,75% des contrôles académiques n’ont pu être effectués : est-ce par manque de moyens ? Le ministère de l’Intérieur se félicite d’ailleurs, dans son bilan de la loi séparatisme, d’une baisse de 30% des effectifs de l’école à la maison pour la rentrée scolaire 2022-2023.
Des contrôles académiques ultra-satisfaisants
Le paradoxe demeure : d’un côté le ministère souhaite enrayer l’école à la maison avec son nouveau régime d’interdiction déguisée par autorisations délivrées au compte-gouttes et en dehors de critères objectifs, de l’autre côté cette liberté pédagogique permet pourtant le succès scolaire de très nombreux enfants ! La fin de cette liberté éducative n’est donc pas justifiée, et la représentation nationale serait bien inspirée de la rendre aux parents.
En 2019-2020, 92% des premiers contrôles académiques sont satisfaisants et 90,4% en 2021/22. En cas d’insatisfaction au premier contrôle académique, un second est programmé. Mais, en 2019-2020, 89,5% des seconds contrôles n’ont pu avoir lieu, dont 77% en raison de la crise sanitaire et des confinements et 4% en raison d’un premier contrôle trop tardif dans l’année scolaire. Parmi les autres raisons expliquant l’absence d’un second contrôle, sont cités les 16 ans révolus, la scolarisation, un déménagement ou un départ à l’étranger. Seuls 3,1% des enfants, soit 23 enfants, n’ont pas été contrôlés, pour une raison inconnue.
En 2021-2022, sur 47 547 contrôles académiques effectués, 3 486 ont donné lieu à une convocation pour un second contrôle car le premier n’a pas été jugé satisfaisant, 712 n’ont pu avoir lieu. Sur les 2 774 effectués :
- 1 528 concluent finalement positivement
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1 091 ont abouti à une mise en demeure de scolarisation, dont près de 60% ont été suivies d’effet
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191 ont donné lieu à une saisine du Procureur de la République, soit 0,26% des jeunes instruits en école à la maison qui posent problème.
Une bonne socialisation
Pour rappel, d’un point vue socialisation, la recherche scientifique en science de l’éducation et sciences sociales, au niveau international, parvient à ce même même consensus : « les enfants instruits en famille sont aussi bien voire mieux socialisés que les enfants des écoles publiques ».
Une socialisation qui dépend aussi des activités des enfants : en France, comme le montre l’enquête Félicia de 2021, 95 % des enfants instruits en famille ont des activités extrafamiliales. Ces enfants ont en moyenne 3,5 activités par semaine, et l’on observe que les principales activités sont centrées sur les sorties en pleine nature (76,7 %), puis les activités lors de rencontres informelles (65,7 %), la pratique de sports collectifs (55,8 %) et les sorties culturelles telles que musées, concerts, théâtre… (54,7 %). Ces activités ont lieu principalement dans le cadre d’associations (69 %), auprès de leur famille élargie ou du voisinage (66 %) et dans les réseaux d’instruction en famille (59 %).
Des chiffres… étonnamment manquants
Dans ces nouveaux rapports de la DGESCO, il manque des chiffres de l’instruction en famille par académie et par département, par âge, par sexe de l’enfant et par motif, dans le premier degré comme dans le second. Or ces chiffres remontent au ministère par les académies, selon un programme détaillé de collecte.
Et surtout, il existe des chiffres sur les demandes d’autorisation par académie et les refus correspondants, par académie, ainsi que sur les différents recours (tribunal administratif/Conseil d’Etat).
Ces nombreux chiffres ne sont donc pas communiqués aux associations représentant les familles, comme le montre ce tableau diffusé aux membres du comité départemental d’Indre-et-Loire de l’éducation, fourni à notre association par des élus locaux soucieux d’une transparence républicaine :
Chiffres manquants, absence de justification du séparatisme : avec d’autres associations nationales de l’instruction en famille, nous réclamons qu’une commission d’enquête parlementaire soit diligentée sur cette nouvelle loi pour faire toute la lumière sur ces discriminations envers les parents et les enfants qui veulent choisir une autre alternative pédagogique et éducative.
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Notes
(1) Selon les chercheurs Bongrand et Glasman, Revue française de pédagogie, 2018.