En ce 13 décembre 2022 le Conseil d’Etat vient de statuer sur les décrets du 15 février dernier, réglementant l’instruction en famille de manière discriminatoire. De nombreuses associations avaient attaqué ces décrets pour réclamer leur annulation, en raison de leur arbitraire, étayant leurs arguments à l’aide des meilleurs avocats de la place de Paris.
La position du Conseil d’Etat, particulièrement restrictive, ne peut que susciter une grande inquiétude pour les familles et la liberté scolaire en France.
Dans son arrêt, le Conseil d’Etat commence par considérer, en dehors de toute base légale et réglementaire, que le rectorat aurait à rechercher « au vu de la situation de l’enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d’une part dans un établissement ou école d’enseignement, d’autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l’issue de cet examen, de retenir la forme d’instruction la plus conforme à son intérêt. »
Cette affirmation péremptoire du Conseil d’Etat est le signe d’un changement de paradigme, comme l’avait annoncé le Président de la République dans son discours des Mureaux.
C’est désormais l’Etat et non plus la famille qui est chargée de retenir la forme d’instruction la plus conforme à l’intérêt de l’enfant. Ce n’était pourtant écrit ni dans la loi, ni dans les décrets. La loi, déjà très restrictive, ainsi que les décrets, se contentaient de fixer les pièces à transmettre et précisait que l’administration était en principe tenue de délivrer les autorisations si le dossier était complet. C’est donc donner à l’administration une compétence discrétionnaire qu’elle n’a pas pourtant pas le droit d’exercer.
Sur la question du calendrier de demandes d’autorisations, le Conseil d’Etat également montre une totale méconnaissance de la réalité du terrain puisqu’il considère que les motifs liés à la situation propre à l’enfant ou aux pratiques d’activités sportives ou artistiques intensives correspondent à des situations « prévisibles ». Nous avions insisté dans nos conclusions et à l’audience en indiquant que toute demande d’instruction en famille en cours d’année est imprévisible. En effet, les situations de phobie scolaire, d’échec scolaire, de troubles de l’attention ou de l’apprentissage (dys…) sont par essence imprévisibles. Lors des débats parlementaires, il n’était nullement question d’instituer une fenêtre de dépôt d’autorisation pour ces familles.
Une petite tolérance est donnée puisqu’il serait « loisible » à l’administration d’examiner une demande instituée hors délai, bien que cela dépende du bon vouloir des recteurs.
Un contrôle de l’Etat de plus en plus intrusif
S’agissant de la situation propre à l’enfant (motif 4, choisi par la grande majorité des familles) le Conseil d’Etat cite la réserve d’interprétation figurant dans la décision du Conseil constitutionnel, pour ensuite s’en écarter.
En effet, cette réserve d’interprétation n’a jamais affirmé l’exigence d’exposer « de manière étayée la situation propre à l’enfant, motivant dans son intérêt le projet d’instruction dans la famille ». C’est pourtant ce qu’affirme le Conseil d’Etat dans sa décision. De manière flagrante, le Conseil d’Etat s’écarte ainsi de la décision du Conseil constitutionnel.
Ainsi, les familles risquent d’être contraintes de justifier de la situation propre à leur enfant alors même que les décrets ne le prévoyaient pas !
C’est à nouveau soumettre les familles à un contrôle intrusif de l’Etat. Ainsi, l’Etat ne reconnaît plus que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, au mépris de nombreuses conventions internationales comme la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ou la Convention internationale des droits de l’Enfant.
De plus, le projet pédagogique devra comporter des précisions sur l’organisation du temps de l’enfant sans égard pour la liberté pédagogique des parents, qui, jusqu’à présent n’avaient pas à justifier de l’emploi du temps de leur enfant.
Par ailleurs, tous nos arguments qui contestaient l’exigence du baccalauréat ont été écartés par le Conseil d’Etat, sans réelle justification.
Dans le cas du harcèlement, nous critiquions l’exigence d’un avis du directeur d’établissement, parfois juge et partie. Cet avis est maintenu, le Conseil d’Etat considère qu’il « a pour seul objet de matérialiser la concertation entre l’équipe éducative et les parents et l’existence de menaces sur l’intégrité physique ou morale de l’enfant ». Toutefois, il serait parfaitement loisible au directeur d’établissement de contester l’existence d’un menace pesant sur l’intégrité physique ou morale de l’enfant. On voit bien ici toute la difficulté qui attend les enfants victimes de harcèlement.
Sans surprise, le Conseil d’Etat confirme enfin que tout élève inscrit dans un établissement d’enseignement à distance est soumis au régime d’instruction en famille.
La seule petite victoire de cet arrêt du Conseil d’Etat est la confirmation que le délai pour déposer un recours administratif préalable à l’encontre d’un refus d’autorisation sera non plus de 8 jours mais de 15 jours. Maigre victoire puisque le Conseil d’Etat rejeté sèchement la contestation de la composition des commissions de recours amiable en ces termes : « aucun principe ni aucune disposition légale n’exige que les parents d’élèves soient représentés au sein de cette commission ».
Nous continuerons le combat malgré tout ! Nous mettrons tout en œuvre pour modifier le cadre législatif et réglementaire.
Nous luttons pour une juste cause – celle de nos enfants – et tôt ou tard, nous finirons par l’emporter !