Mercredi 18 septembre, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation a auditionné Mme Caroline Pascal, directrice générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). Une question a été posée par le député Xavier Breton au sujet des nombreuses atteintes à la liberté d’instruire en famille. Les réponses de la DGESCO sont lunaires, si éloignées de la réalité et du terrain qu’elles méritent que notre association remettent les pendules à l’heure en cette rentrée scolaire.
Question du député Xavier Breton (LR) :
« Je voudrais aborder un sujet de plus problématique à chaque entrée depuis 3 ans maintenant c’est celui de l’instruction en famille (…). Nous sommes passés d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation qui restreint les libertés, avec un souci qui était la lutte contre le séparatisme et principalement l’islamisme radical. Alors quels résultats avec ce nouveau régime d’autorisation dans la lutte contre le séparatisme ? Il serait intéressant de savoir si effectivement on a des résultats, mais il y a surtout les dommages collatéraux pour toutes les familles qui se heurtent aujourd’hui à l’arbitraire des services académies dans l’octroi des autorisations, avec des conséquences désastreuses, des fratries séparées, des enfants à besoins particuliers se trouvent en difficulté scolaire et on a tous des témoignages comme cela dans nos circonscriptions. L’instruction des dossiers est variable d’un département à l’autre, notamment selon le 4ème critère du projet pédagogique, et pourtant le conseil constitutionnel avait émis une réserve d’interprétation qui précisait qu’il n’y avait pas de situation à préciser en face du projet pédagogique. Est-ce qu’on va enfin avoir une application un peu plus souple de l’IEF ? »
Réponses de la nouvelle directrice de l’enseignement scolaire :
ERREUR n°1. La DGESCO : « Nous avons des résultats par rapport aux objectifs qui avait été portés, c’était donc de réduire la très forte haute qu’il y avait eu après le Covid : nous étions en 2018-2019 à 35.000 élèves, nous sommes passés à 72.000 à la sortie du Covid, et revenus aujourd’hui à 35.000 élèves. C’est important car nous retrouvons l’étiage habituel des choix des familles que les familles ont toujours fait, ont traditionnellement fait. »
LA RÉALITÉ > Nous ignorions que l’objectif de cette loi, visant au départ à lutter contre le radicalisme islamiste (discours d’Emmanuel Macron aux Mureaux le 2 octobre 2020) était en réalité de réduire la très forte hausse de cette liberté fondamentale des parents, premiers éducateurs de leurs enfants, et qu’ils doivent pouvoir employer comme bon leur semble, selon les raisons qu’ils leur sont propres. Une hausse vécue par Mme Caroline Pascal comme une crue anormale, qui utilise d’ailleurs le mot « étiage », désignant au départ le niveau moyen le plus bas d’un cours d’eau, à partir duquel on mesure les crues ! Ignore-t-elle que dans le monde entier, l’instruction en famille est en forte expansion, et qu’il s’agit d’un tendance mondiale ?
Cette affirmation de la DGESCO montre une fois de plus que le risque de séparatisme n’était qu’un prétexte pour détruire une liberté vécue comme un discrédit par l’Education nationale avec son insolent taux de succès aux contrôles académiques : 98%. Et ce, alors même que certaines pédagogies alternatives, comme Singapour, sont arrivées dans l’Education nationale grâce à l’école à la maison (1).
De plus, il ne peut y avoir de politique de quotas en matière de droits fondamentaux. Rappelons que l’ONU a épinglé la France il y a un an pour le non-respect du choix de cette alternative à l’école, puis que la Défenseur des Droits a émis en avril un rappel à la loi à l’encontre des académies, et qu’enfin les hausses des saisines de la Médiatrice de l’Education nationale ont augmenté de 900% en un an.
ERREUR n°2. La DGESCO : « En terme de refus, 52.000 demandes en 2023-2024 et 88,4% des réponses ont été positives, 88,4 % des demandes d’autorisations ont été délivrées, donc il n’y a pas eu un politique de refus majoritaire »
LA RÉALITÉ > Ce chiffre est faux, le chiffre réel est de 60,7% d’acceptations. En effet, les familles qui étaient de plein droit n’ont pas eu à demander d’autorisation pendant 2 ans :
Nous avons pourtant signalé à maintes reprises que le chiffre de 80% intègre les familles qui n’ont pas eu de dossiers de demande à déposer, et qu’il est donc erroné : pour faire passer la pilule ? La « politique de refus majoritaire » est en réalité dans la loi elle-même, avec ce régime d’autorisation liberticide.
ERREUR n°3. La DGESCO : C’est sur le motif 4 pour lequel le projet pédagogique de la famille est à étudier, qu’il y a eu peut-être un peu plus de refus, et encore nous sommes aujourd’hui à un étiage qui est assez similaire à ce que nous connaissions apparent, car ce n’était que du contrôle a posteriori, alors qu’avant la loi c’était du contrôle a priori.
LA RÉALITÉ > Ce niveau de blocage administratif n’a rien à avoir avec les contrôles pédagogiques d’avant la loi qui donnaient lieu à peine 2% de rescolarisation sur constat d’échec sur les résultats, et parfois, des projets pédagogiques.
ERREUR n°4. La DGESCO : « Nous avons eu moins de demandes, l’effet Covid est en train de s’atténuer et les familles reprennent confiance dans l’envoi de leurs enfants à l’école » .
LA RÉALITÉ > Il n’a jamais été question d’un quelconque effet Covid dans l’exposé des motifs de la loi, ni pendant les débats au parlement. C’est une pure invention ! Cela démontre encore une fois la trahison de l’intention du législateur. Par ailleurs s’il y a eu moins de demandes, c’est en raison d’autres facteurs que connaissent bien les associations nationales de l’IEF :
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- de nombreuses familles ont été découragées par cette nouvelle loi ultra-restrictive et « radicale » (Emmanuel Macron aux Mureaux)
- certaines familles ont même cru que l’école à la maison était désormais interdite
- d’autres familles sont se rabattues vers des écoles hors contrat ou en ont créées
- 50% familles n’ont pas déposé de recours administratif préalable en cas de refus et beaucoup n’ont pas voulu renouveler une demande en cas de premier refus : seulement 10% sont allées devant le tribunal administratif, la procédure n’étant pas suspensive, coûteuse et à renouveler chaque année…
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Ce n’est donc pas du tout en raison d’une nouvelle confiance en l’école publique !
ERREUR n°5. La DGESCO : « Vous n’avez pas complètement tort en disant que les politiques départementales n’ont pas toujours été les mêmes, nous avions envoyés une note de service en demandant à ce que les pourcentages d’autorisation soient assez équivalents, et les recteurs avaient pour mission d’équilibrer entre les différents départements de leur académie, pour que justement le traitement d’un département à l’autre ne soit pas trop différent et que nous ayons quelque chose d’assez équitable sur l’ensemble du territoire. »
LA RÉALITÉ > Les disparités territoriales restent très fortes, pas seulement selon les départements, mais aussi et surtout entre les académies, comme le montre notre palmarès 2024-2025 des académies les plus restrictives réalisé à partir de 400 refus reçus cet été par notre association :
Ce graphisme issu des données publiques de la plateforme démarches simplifiées concernant 24 départements et produit par le Noncho-lectif montre également cette discrimination territoriale, bien loin de l’égalité républicaine
Enfin, le rapport de la Médiatrice de l’Education nationale, qui regretrait une « culture de rapport de force », est aussi éloquent au sujet des différences sur les saisines en matière d’école à la maison :
ERREUR n°6. La DGESCO : Les objectifs nationaux sont ceux-là : de retrouver un nombre assez normal d’instruction en famille pour toutes les raisons que nous avons toujours connues, de résorber l’effet post-covid, de tenir compte par un contrôle du projet pédagogique de ces familles, comme nous le faisions avant, pour éviter toutes les dérives ».
LA RÉALITÉ > Peut-on affirmer que l’emploi d’une liberté par les parents, concernant leurs enfants, peut être à un niveau « normal » ou anormal ? Rappelons encore ici que seulement 0,09% des enfants instruits en famille posaient problème au moment du vote de la loi, et non pour des raisons de séparatisme ou de radicalisme.
A quand un retour à la liberté des parents ?
Pour aller plus loin :
(1) Lire à ce sujet, L’école à la maison, une liberté fondamentale