Après la proposition de loi d’octobre 2023 portée par le député Xavier Breton (LR) et une trentaine de députés, une nouvelle proposition de loi est déposée en cette rentrée 2024 par la députée Annie Genevard (LR), vice-présidente de l’Assemblée nationale. Elle fait suite aussi au dépôt au bureau d’Assemblée, en avril dernier, d’une Proposition de résolution qui citait notre association et demandait la création d’une commission d’enquête sur les nouvelles règles appliquées à l’instruction en famille, depuis la nouvelle loi ultra-restrictive et liberticide qui engendre près de 40% de refus au niveau national, selon le ministère.

Précisons également qu’elle fait suite à l’arrivée d’une nouvelle proposition de loi en première lecture à l’Assemblée nationale après son adoption par le Sénat, ainsi qu’un rappel à la loi du Défenseur des droits sur le sujet et un rapport de la médiatrice de l’Education nationale qui pointe du doigt une flambée (+900% en un an) des saisines concernant l’IEF.

Une liberté fondamentale qui n’était soi-disant pas mise en cause

Dans son exposé des motifs, la député Annie Genevard rappelle que le 6 avril 2021, M. Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’Education nationale, assurait au Sénat son attachement au principe de liberté en affirmant que « l’instruction en famille est l’une des quatre façons d’instruire les enfants en France. (…) [Elle] n’est nullement mise en cause. Le régime d’autorisation protège les libertés des familles et les droits des enfants ». Or, force est de constater, deux ans après l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « CRPR », que de nombreuses familles se heurtent à l’arbitraire des services académiques dans l’octroi d’autorisations, malgré l’intention du législateur, les réserves exprimées par le Conseil constitutionnel et les précisions apportées par le Conseil d’Etat.

Elle rappelle également que la cause de ces évolutions réside dans les dispositions de la loi « CRPR », qui ont substitué au régime de déclaration de l’IEF un régime d’autorisation préalable assortie de critères restrictifs. En effet, son article 49 modifie le régime de l’IEF en imposant une autorisation préalable des services académiques pour des motifs tirés de la situation de l’enfant et limitativement définis par la loi :
– les enfants ayant des problèmes de santé ou un handicap ;
– les enfants qui ont une activité sportive ou artistique intensive ;
– du fait de l’itinérance de la famille ou de l’éloignement géographique d’un
établissement scolaire ;
– en cas de situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif.

Des motifs flous qui entraînent des interprétations diverses

En effet, précise la députée, comme le souligne le rapport 2023 de la médiatrice de l’Education nationale, « (…) les contours du dernier motif sont plus flous, susceptibles d’interprétations diverses, et à l’origine d’une réelle incompréhension, voire d’une défiance de la part d’un grand nombre de familles ».

Et d’enfoncer le clou : « des centaines de familles ont été confrontées à de grandes difficultés au moment de demander une autorisation de pratiquer l’instruction en famille (IEF) : le nombre d’enfants suivant l’IEF a ainsi diminué de 27% depuis l’adoption de la loi « CRPR ».

La député Annie Genevard rappelle aussi que le nombre de réclamations auprès des médiateurs de l’Education nationale témoigne de cette baisse : elles ont été multipliées par dix par rapport à l’année dernière, passant de 30 à 302, dont 54% liées à des refus de l’IEF par l’administration. Les conséquences de ces refus sont désastreuses : fratries séparées, enfants en difficulté scolaire… Et nous pourrions ajouter : refus pour des enfants harcelés à l’école qui auraient besoin, un temps, de l’école à la maison, pour se reconstruire.

Cette hausse drastique des refus opposés aux familles, poursuit-elle, est liée à la suppression, à partir de septembre prochain, des dérogations accordées par l’administration aux familles ayant déjà recours à l’IEF avant l’entrée en vigueur de la loi et pour lesquelles les contrôles étaient positifs, permettant de la poursuivre de plein-droit sans avoir à demander d’autorisation annuelle. Il convient en particulier de souligner que 40% des demandes faites en vertu du quatrième motif ont été refusées sur l’ensemble du territoire depuis la rentrée scolaire 2022. Cette situation entraîne un désarroi des familles d’autant plus important que les Directions des services départementaux de l’Education nationale (DSDEN) chargées d’instruire les dossiers sont plus ou moins souples d’un département à l’autre.

Précisons aussi que dans certaines académies, comme l’avait reconnut le ministre Pap Ndiaye, « c’est un non très massif », avec 90% de refus.

L’enfant doit-il avoir une situation particulière ? L’intention trahie du législateur

Ce nouveau cadre législatif a ainsi fait croître la défiance des familles depuis l’entrée en vigueur de la loi en septembre 2021, notamment du fait du risque d’être condamné à six mois d’emprisonnement et à 7500€ d’amende pour les parents pratiquant l’IEF sans en avoir demandé l’autorisation et refusant de scolariser leur enfant après avoir été mis en demeure de le faire. En outre, les saisines de la médiation, à l’instar des recours auprès des tribunaux administratifs, ont essentiellement porté sur le quatrième motif et n’ont pas permis de clarifier la portée des nouvelles dispositions, notamment la question de savoir si la présentation d’un projet pédagogique suffisait ou s’il fallait que l’enfant soit dans une situation particulière justifiant l’instruction en famille.

On se rappelle alors, pouvons-nous préciser, des belles paroles de la rapporteur Anne Brugnera, lors de l’étude des nombreux amendements à l’Assemblée, le 11 février 2022, qui pointent une trahison de l’intention du législateur :

« Tous les parents qui pratiquent l’instruction en famille dans des conditions satisfaisantes le font pour leur enfant. Ils n’ont pas besoin de motiver leur décision, qu’ils justifient simplement par un motif de convenance personnelle, mais s’ils ont choisi l’instruction en famille, c’est bien pour leur enfant ! Il suffit de discuter avec ces parents pour constater à quel point ils ont adapté leur projet éducatif à leur enfant. […] Le quatrième motif inclut donc les dimensions auxquelles vous êtes attachés. L’instruction en famille part de l’enfant, mais s’appuie naturellement sur le projet pédagogique […]. Tout enfant est particulier. »

Le Conseil constitutionnel a néanmoins considéré, rappelle Annie Genevard, par une réserve d’interprétation dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 que la situation propre de l’enfant n’a pas à être précisée par les parents, pourvu que le projet pédagogique soit détaillé.

Cependant, comme notre association Liberté éducation le précise aussi, le rappel par les familles de cet avis du Conseil constitutionnel dans les recours administratifs préalables obligatoires (RAPO) à la suite d’un refus ne leur permet pas d’obtenir gain de cause, même avec un projet pédagogique complet. Ainsi l’administration ne tient pas compte de cette réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, et 50% des RAPO sont refusés.

Il est également à noter que les commissions de ces recours sont juges et parties, constituées des mêmes personnes qui ont opposé un refus et sans la présence de membres d’associations nationales de l’IEF ou simplement de collectifs locaux.

« Un fort sentiment d’insécurité pour les familles »

Et Annie Genevard conclut : enfin, le changement de paradigme entre le projet de vie de la famille et le projet éducatif propre à l’enfant, doublé de la durée d’autorisation accordée pour une seule année alimentent un fort sentiment d’insécurité pour grand nombre de familles, sans compter la charge administrative liée à la répétition des procédures annuelles. Cette situation fait l’objet d’une incompréhension d’autant plus grande que cette mesure radicale apparaît dérisoire face à la finalité recherchée de lutte contre l’endoctrinement et le séparatisme, alors que 92,8% des contrôles IEF ont été positifs en 2020.

« Les parents, premiers éducateurs de leurs enfants »

La vice-présidente de l’Assemblée nationale rappelle également cette vérité si souvent mise à mal : les parents sont les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants : en vue de rétablir durablement la confiance entre l’Etat et les parents, premiers éducateurs des enfants, et de mettre fin à l’insécurité juridique et aux ruptures d’égalité engendrées par l’application de la loi « CRPR », cette proposition de loi vise à rétablir le régime déclaratif de l’IEF en revenant sur le régime dérogatoire mis en place depuis la rentrée 2022. L’instruction en famille resterait encadrée, comme précédemment, par un contrôle de la mairie et un contrôle pédagogique.

Pour aller plus loin :

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