Aujourd’hui au siège de l’ONU à Genève, devant le Comité des Droits économiques, sociaux et culturels, notre association est intervenue pour défendre le droit humain inaliénable des parents à choisir l’alternative de l’instruction en famille en France, ultra-réduite par la nouvelle loi dite contre le séparatisme.
La 74ème session du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU (CESCR-ONU), intéressant la France, se tient les 2 et 3 octobre prochains à Genève. Ce Comité examine le respect par la France du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels. Or avec sa nouvelle réglementation ultra-restrictive sur l’instruction à domicile, la France ne respecte pas l’article 15 de ce Pacte qui affirme que les parents ont le droit de choisir une alternative à l’école. Aussi avons-nous adressé, au côté d’autres associations, une communication à l’ONU avec nos recommandations, que vous pouvez retrouver ici et nous sommes intervenus dans ce cadre, ce jour, par un discours de cinq minutes de notre secrétaire général devant les membres du Comité de l’ONU.
DISCOURS INTÉGRAL (à télécharger ici – English version)
de l’association Liberté éducation au Comité du Pacte des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU
Mesdames et messieurs,
Si notre association Liberté éducation se trouve devant vous aujourd’hui, c’est bien parce que vous êtes notre seul recours. Tous nos efforts pour faire évoluer la loi dite « séparatisme » ont échoué.
Les chiffres en attestent :
- 6144 refus durant l’année passée, dont 37% pour le seul motif pédagogique. A ce rythme, d’ici la rentrée prochaine, 18.500 enfants vont essuyer un refus.
Avant cette loi, chaque enfant avait le choix du chemin éducatif qu’il souhaitait emprunter. Les familles ont bénéficié d’un sursis de 2 ans, avec une autorisation de plein droit, jusqu’en septembre 2024. Demain, tous ces enfants risquent d’être contraints à une rescolarisation forcée, certaines académies refusant, d’après leurs propres chiffres, jusqu’à 90% des demandes d’autorisation.
Ces enfants se verront donc imposer un enseignement scolaire, sans aucun égard pour les résultats positifs des contrôles académiques, puisque selon les rapports du ministère, plus de 90% des premiers contrôles sont « satisfaisants » de 2019 à 2022.
Or, l’ensemble des recours devant les juridictions administratives du pays ont échoué et n’ont pas permis d’écarter une interprétation incroyablement restrictive de la loi, contre la volonté même du législateur et la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel. La possibilité même d’aller devant la Cour européenne des droits de l’homme est actuellement fermée, faute d’épuisement des voies de recours, qui peuvent s’étaler sur de nombreuses années.
Face à cette situation : vous êtes notre seul recours.
Peut-être penserez-vous que l’article 13.3 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels de l’ONU concerne d’abord les établissements scolaires. Il engage pourtant les États parties à respecter la liberté des parents de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics. Et de permettre d’assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. De plus, le Pacte en précise la portée et l’objectif : « L’épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et le renforcement des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». C’est bien l’affirmation de cette liberté des parents de choisir un établissement scolaire autre que celui proposé par l’Etat.
Or, la situation française est marquée par la domination de l’enseignement public conçu comme un bloc monolithique et au sein duquel le rôle des parents, la liberté éducative et de conscience sont de plus en plus lourdement bafoués. Lourdeur réglementaire et effectifs surchargés ne permettent que difficilement la mise en place d’une pédagogie individualisée s’adaptant à la situation propre d’un enfant.
Il existe certes des établissements privés sous contrat, mais ils sont marqués également par une faible diversité pédagogique, sont confessionnels et peu adaptés aux spécificités de certains enfants, avec un coût souvent prohibitif et une liste d’attente parfois longue de plusieurs années, alors même qu’ils ne peuvent scolariser plus de 20% des enfants sur l’ensemble du territoire national.
Quant aux écoles hors contrat, elles ne représentent que 3,3% du total des établissements et sont hors de portée financière et géographique pour un très grand nombre de familles.
De fait, l’école à la maison est aujourd’hui l’alternative la plus accessible pour les parents qui souhaitent exercer une liberté pédagogique et le respect des spécificités parfois lourdes de leurs enfants.
En France, 60% des familles pratiquant l’instruction en famille gagnent moins de 30 000 € par an : l’école à la maison est ainsi le mode d’instruction le plus démocratique.
Cette diminution drastique de la liberté scolaire se conjugue à l’effondrement massif du niveau de l’enseignement public, à la faillite de l’éducation à la citoyenneté et aux violences scolaires. Un exemple flagrant en a été donné à Versailles il y a quelques jours avec le suicide d’un enfant harcelé, malgré les plaintes des parents.
A l’heure où dans le cadre de la lutte contre le harcèlement scolaire, le ministre de l’Education nationale parle du « droit au bonheur », nous vous demandons instamment de relayer les souffrances de tant de familles et d’enfants victimes d’une loi visant à l’origine les séparatistes islamistes.
Sur ce seul prétexte de l’islamisme, il n’est pas juste de continuer d’exclure du champ des droits économiques, sociaux et culturels les parents socialement très divers et pratiquant un enseignement riche, diversifié, individualisé. Rien, d’ailleurs, n’a permis d’établir que cette lutte contre le l’islamisme pouvait, de manière légitime et proportionnée, impliquer la suppression de l’instruction en famille.
Aujourd’hui, la France est le seul pays d’Europe à contraindre des enfants de 2 ans et demi à la scolarisation et de récentes annonces montrent une volonté d’instaurer une scolarisation dès l’âge de 2 ans. A nouveau, les besoins spécifiques des enfants ne sont pas écoutés, et ceux des parents non plus. En somme, les parents qui veulent une autre pédagogie, les enfants qui ont une maladie, un handicap ou des troubles de l’apprentissage qui rendent difficile une scolarisation, les artistes ou grands sportifs en devenir qui doivent s’entraîner plusieurs heures chaque jour, les itinérants, tous les « originaux » qui empruntent un autre chemin et font la richesse d’une nation se trouvent aujourd’hui bloqués, empêchés, humiliés, exclus, sans bienveillance, sans écoute, sans empathie.
C’est avec confiance que nous remettons nos espérances à votre Comité. Au-delà même de la liberté d’instruction, il en va de la liberté de conscience, il en va du pluralisme de notre société démocratique, il en va de la liberté d’expression, il en va du respect de la dignité de chaque enfant.
Je vous remercie.
Lire aussi :
-
- École à la maison : « L’État s’acharne sur des parents courageux » – tribune de notre secrétaire général dans La Croix du 13 septembre 2023
Pour aller plus loin :
Rappel : les chiffres des refus pour l’année scolaire écoulée 2022-2023 (source : ministère de l’Education nationale)
En réalité, il y a 81% d’autorisations après recours.