« Dans un état de droit, la liberté doit être la règle et non l’exception. »
En janvier 2021, l’association LED’A (Les enfants d’abord) a publié un recueil d’une quarantaine de courriers et d’articles émanant de chercheurs européens, américains et australiens.
Destiné aux parlementaires, il met en avant leur inquiétude concernant la volonté du gouvernement d’Emmanuel Macron de limiter drastiquement le recours à l’instruction en famille. En effet, ces chercheurs ont démontré que cette dernière a « une efficacité certaine » et est « un moyen d’éducation fiable ». Par ailleurs, elle est non seulement « un apport essentiel pour les enfants ayant besoin de cette approche », mais aussi « pour les nations et pour les familles ».
De plus, cette liberté « démontre clairement la force d’une démocratie » et son absence réduit la citoyenneté de chacun, « même [s’il] ne choisit pas d’instruire en famille ou d’être instruit en famille ». En effet, « la possibilité légale de choisir l’instruction en famille crée le choix d’aller à l’école, plutôt que la contrainte ». De fait, quand ce choix est légal, « tout citoyen peut s’estimer libre et avoir le sentiment d’appartenir à une démocratie qui [le] respecte ».
Sans oublier que les études ne permettent pas « d’établir une corrélation » entre instruction en famille et séparatisme, « alors que c’est la raison même pour laquelle l’instruction en famille dépendant du ministère de l’Éducation nationale apparaît dans un projet de loi porté par le ministère de l’Intérieur ».
À cela s’ajoute la contre-productivité d’une telle mesure, comme l’a montré une étude sur le passage d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation en Australie : « augmentation des non déclarants, défiance envers l’état, renforcement des croyances ».
Pour toutes ces raisons, « comme l’avait préconisé Jules Ferry, la République gagne à maintenir la diversité pédagogique ».
Si le dossier (86 pages au total) publie les textes intégraux, il présente également des « morceaux choisis » par thème, pour faciliter la lecture. Dix thèmes sont ainsi mis en avant, dont voici quelques extraits :
1. Conséquences de la restriction de l’instruction en famille :
« Le préjudice causé aux enfants, aux familles et à la société dans son ensemble [serait] incalculable », affirme Leslie Safran Barson. En effet, « vouloir contrôler et uniformiser l’instruction des enfants risque de conduire à une société moins créative, moins diverse, et à des parents fort amers », précise Naomi Aldort. Sans oublier que, « plus il est difficile d’en bénéficier […], plus les parents ont du mal à faire confiance […] à l’État », souligne le Dr Rebecca English.
2. Socialisation et devenir des enfants instruits en famille
À ceux qui s’inquiéteraient du devenir des enfants instruits en famille, Naomi Aldort répond : « Partout dans le monde, ceux qui ont grandi en dehors de l’école conventionnelle représentent, pour la société de leur pays, des forces vives parmi les plus capables et les plus instruites. […] Ils sont souvent plus novateurs, plus indépendants […] ». Gina Riley confirme : « Ce sont des individus […] très instruits, dotés d’esprit civique […], curieux, autonomes et dotés d’un fort esprit d’entreprise ».
3. Radicalisation et séparatisme
L’article 21 du projet de loi confortant les principes républicains manque clairement sa cible : « Il existe très peu de preuves suggérant un lien cohérent entre l’instruction en famille et l’extrémisme », indique Lorena Sanchez Tyson. « Si le gouvernement français tient réellement à combattre l’extrémisme et à encourager la fraternité entre citoyens, l’interdiction de l’instruction en famille est un acte dérisoire qui n’aboutira à rien », ajoute le Dr Rebecca English.
4. Cadre législatif existant
Si les garde-fous sont légitimes, il existe déjà en France « un cadre en place et des mesures régulant l’instruction en famille », souligne Lorena Sanchez Tyson, soutenue par Donna Kirschner : « L’État assure une surveillance suffisante pour garantir aux enfants scolarisés à la maison une éducation bénéfique et une protection […] en termes de sécurité et de bien-être. »
5. Motivations du choix de l’instruction en famille
Les recherches « montrent la très grande diversité des motivations des familles », explique l’équipe Sociogrief. « Pour certains, il peut s’agir de la liberté de suivre leurs intérêts et ne pas être sous la pression des contraintes de l’école, pour d’autres cela peut être l’apprentissage libéré du harcèlement et de l’anxiété sociale, pour d’autres encore cela peut être la possibilité d’apprendre à leur rythme et leur manière », précise le Dr Harriet Pattison.
6. Des parents engagés et responsables
Le Dr Harriet Pattison souligne que les parents sont « les personnes les mieux à même de comprendre ce qui sera le plus bénéfique pour leur enfant ». D’autant plus les parents pratiquant l’instruction en famille : « Les parents assumant la responsabilité de l’instruction de leur enfant sont souvent à la pointe de la formation pédagogique », ajoute Bernadette Nozarian.
7. L’intérêt supérieur de l’enfant
L’intérêt supérieur de l’enfant consiste en premier lieu à lui laisser « le droit de s’instruire de façon libre et autonome, ce qui implique que personne ne peut être scolarisé contre son gré », affirme Bertrand Stern.
Par ailleurs, « personnalisée [et] flexible », l’instruction en famille est conforme à l’intérêt de l’enfant, puisqu’elle « peut s’appuyer sur les centres d’intérêt de l’apprenant, exploiter la motivation et le plaisir, et permettre un apprentissage plus large et profond qu’un programme prédéfini. Elle soutient la confiance en soi et le développement de soi positif, est moins compétitive, moins contrainte par des tests et moins passive que l’école », explique le Dr Harriet Pattison.
8. L’importance de l’instruction en famille dans le paysage éducatif
Si « l’instruction scolaire basée sur un programme et un apprentissage étape par étape peut être une bonne pratique dans les écoles […], ça ne lui donne pas une valeur universelle », indique Alan Thomas. « L’instruction en famille offre une éducation flexible, adaptable et réussie, et est une alternative viable à la présence à l’école », souligne le Dr Harriet Pattison.
9. Démocratie et liberté d’instruction
« La France se voulant une démocratie, il est inconcevable que l’État s’arroge le droit d’aliéner un individu sous prétexte de son jeune âge en le contraignant à une soi-disant obligation scolaire », explique Bertrand Stern. De plus, comme le souligne Clara Bellar, « dans tous les régimes totalitaires, la liberté d’apprentissage a toujours été perçue comme une menace ».
10. Instruction en famille et société
Dr Leslie Safran Barson, depuis le Royaume-Uni, explique enfin : « L’instruction en famille a une valeur considérable pour les enfants, les familles et la société dans son ensemble. Il existe de nombreuses recherches pour montrer l’importance de l’instruction en famille qui est incontestable et sûre. Le préjudice causé aux enfants, aux familles et à la société dans son ensemble en ne permettant pas la possibilité d’instruction en famille est incalculable. ». Clara Bellar, auteure et réalisatrice du documentaire Être et devenir, ajoute : « évoquer la suppression de la liberté d’apprentissage , c’est poser la question de l’être et du devenir de notre société. »
Experte mondiale dans le domaine de l’éducation, conférencière à l’origine de nombreux livres sur le sujet, Naomi Aldort s’adresse dans une lettre au Président de la République Emmanuel Macron : « Au nom des familles qui souhaitent préserver la liberté d’instruction de leurs enfants, je vous prie de renoncer à votre projet d’interdire l’instruction en famille en France et je vous demande de protéger la liberté d’instruction et les droits des parents comme des enfants. »
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Source : LEDA (document complet à télécharger)